Au terme d’un délibéré de près de quatre heures, la cour d’assises de la Sarthe a condamné, mardi midi 26 juin, Eric Sabatier, 40 ans, et Virginie Darras, 33 ans, à trente ans de réclusion criminelle assortie d’une peine de sûreté de vingt ans.
Un verdict un peu plus sévère que le réquisitoire de l’avocat général, Hervé Drevard, qui avait invité, la veille, les jurés à ne pas prononcer à l’encontre des accusés une peine inférieure à trente ans, dont quinze ans de sûreté.
Également condamnés à dix ans de privation des droits civiques, civils et familiaux, ainsi qu’à devoir verser 25 000 euros à leur aîné et 20 000 euros à chacun des trois autres enfants représentés au procès, les parents de Marina ont été reconnus coupables d’actes de tortures et de barbarie ayant entraîné la mort sans intention de la donner de leur enfant, et de dénonciation mensongère à l’autorité judiciaire.
Dans ses motivations, le président du tribunal, Denis Roucou, a souligné que la victime avait subi des violences « dès son plus jeune âge ». Les sévices étaient montés crescendo. Atteignant des sommets de cruauté : « Marina a dû subir des douches froides, être mise la tête sous l’eau dans la baignoire et s’infliger elle-même son propre supplice. Elle a été laissé plusieurs jours sans s’alimenter. Elle a été obligée de marcher pieds nus sur un sol rugueux avec un lourd sac sur les épaule (…) et ses parents ont tenté de l’enfermer dans un four, a-t-il rappelé. Il est par ailleurs établi qu’elle a été plusieurs fois attachée à son lit, à une tringle à rideau et baillonnée avec du ruban adhésif. » La liste des tortures infligées à la fillette ne s’arrête malheureusement pas là.
Martyrisée pendant près de six ans, l’enfant est mort en août 2009 à l’âge de 8 ans dans le sous-sol d’un pavillon d’Écommoy (Sarthe) des suites d’une énième série de coups ; son corps avait été retrouvé un mois plus tard dans une malle remplie de béton. Une macabre découverte effectuée alors que les parents avaient d’abord tenté de faire croire à la disparition de leur fille sur le parking d’un McDonald’s.
PLAINTE CONTRE L’ÉTAT
Hier matin, juste avant que la cour ne parte délibérer, les parents de Marina, qui ont cinq autres enfants dont quatre vivent désormais dans la même famille d’accueil en Sarthe, ont repris une dernière fois la parole. « Je voudrais dire que tout au long de ce procès, je n’ai pas trouvé les mots, le pourquoi et le comment de ce que j’ai pu faire à ma fille. J’ai été une maman cruelle », reconnaît Virginie Darras, sortant enfin des formules fuyantes et du mutisme dans lequel elle est restée enfermée tout au long des audiences. Elle s’adresse ensuite directement à sa fille : « Marina, je t’ai aimé jusqu’au jour où tout a basculé. Je t’ai négligée, humiliée, jusqu’à te torturer et toi, tu nous as aimés jusqu’à nous protéger. Je ne mérite pas ton pardon. »
Interrompue par des sanglots, elle poursuit : « Crois-moi ! Tout au long de ma peine, je chercherai comment et pourquoi j’en suis arrivée là. Pour toi et pour tous les enfants. Je sais qu’ils souffrent et qu’ils souffriront longtemps. Je veux qu’ils soient heureux ches les D. C’est une bonne famille d’accueil. Voilà monsieur le président. »
Moins loquace, Éric Sabatier a seulement exprimé le souhait « d’arriver un jour à pouvoir dire pardon à mes enfants, à trouver les mots pour les aider à se reconstruire. J’espère que vous pouvez me faire confiance. »
Onze jours de procès n’ont néanmoins pas permis de faire toute la lumière sur les dysfonctionnements institutionnels qui se sont régulièrement invité dans les débats de la cour d’assises.
Entre la rentrée scolaire de Marina à l’école maternelle de Parennes à l’automne 2007 et le mois de juillet 2009, de nombreux signaux d’alarme auraient pû permettre de la tirer des griffes de ses tortionnaires.
La justice, qui a classé sans suite un premier signalement en octobre 2008, et le service de la protection de l’enfance du conseil général qui n’a pas pris la mesure des multiples alertes, restent dans la ligne de mire des quatre associations de protection de l’enfance, parties civiles au procès. Action au civil ? Au pénal ? L’affaire dite Marina semble loin d’être close.
Avocat de La Voix de l’enfant, Me Francis Szpiner a en effet confirmé dans sa plaidoirie son intention de déposer plainte contre X. Une procédure au pénal qui pourrait viser le conseil général de la Sarthe à deux titres : la non-assistance à personne en danger et la non-dénonciation de crime ou délit.
De son côté, Me Pierre-Olivier Sur, conseil de l’association Innocence en danger qui avait tiré à boulets rouges sur les « fautes de service du parquet » a indiqué qu’il allait déposer plainte au civil contre l’État pour « dysfonctionnement des services et fautes lourdes en vertu de l’article L141 – 1 du code de l’organisation judiciaire [qui] prévoit la responsabilité de l’Etat pour faute lourde en cas de fonctionnement défectueux du service public de la justice. »