Alors qu’il doit porter la loi sur la moralisation de la vie publique, François Bayrou et le Modem font l’objet de trois accusations d’emplois fictifs.
Au-delà de l’affaire Ferrand, l’opposition cible également François Bayrou, accusé de porter la loi sur la moralisation de la vie publique en dépit de plusieurs «affaires» le concernant plus ou moins directement. Le maire de Pau – ou le Modem – fait face à trois accusations distinctes d’emploi fictifs. Au point que Florian Philippot s’étonnait ce matin sur France Info du fait que Bayrou puisse même être ministre, forçant un peu le trait. De fait, pour l’heure, une accusation concerne des faits prescrits qui remontent à plus de vingt ans, une autre repose sur des allégations partiellement erronées de Corinne Lepage, et une seule enquête a été ouverte, concernant la ministre Modem Marielle de Sarnez, proche de François Bayrou, sans que cela ne signifie que les faits soient avérés.
L’enquête sur l’assistante de Marielle de Sarnez
Suite à la dénonciation d’une eurodéputée FN, le parquet de Paris a ouvert en mars une enquête sur l’emploi d’une assistante européenne de Marielle de Sarnez, la nouvelle ministre des Affaires européennes. Celle-ci était citée dans un courrier de dénonciation de Sophie Montel, eurodéputée FN, adressé au procureur de Paris, François Molins, et à l’Office européen de lutte anti-fraude (Olaf) le 14 mars. En réponse aux tourments judiciaires du FN, qui fait l’objet d’une enquête sur des soupçons d’emplois fictifs au Parlement européen, le parti dénonçait 19 eurodéputés français qui auraient eu les mêmes pratiques. Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour «abus de confiance» le 22 mars, et le Parisien a révélé lundi que Marielle de Sarnez faisait partie des eurodéputés dénoncés. Philippine Laniesse, par ailleurs élue au conseil régional d’Ile-de-France et conseillère municipale du XIXe, est l’assistante parlementaire locale (en circonscription) de Sarnez depuis plus d’un an. Comme pour les autres assistants d’eurodéputés dénoncés par Sophie Montel, l’enjeu est de savoir si Philippine Laniesse a travaillé sur les deniers européens au profit du Modem sans lien avec l’activité parlementaire de Marielle de Sarnez. La ministre assure que Philippine Laniesse a effectué «un travail assidu» en tant qu’assistante parlementaire et a annoncé porter plainte pour «dénonciation calomnieuse».
L’ouverture d’une enquête préliminaire ne signifie pas que les faits sont caractérisés. L’ouverture est en fait quasi systématique car, dans l’hypothèse où les faits seraient caractérisés, ils pourraient recevoir une qualification pénale. L’enquête a donc été ouverte sur les 19 eurodéputés dénoncés, pour vérifier les allégations de Sophie Montel et le travail effectué (ou non) par la trentaine d’assistants concernés.
Les accusations de Corinne Lepage en 2014
Une autre accusation similaire a refait surface pendant la campagne, s’appuyant sur un extrait du livre les Mains propres de Corinne Lepage. «Lorsque j’ai été élue au Parlement européen en 2009, le Modem avait exigé de moi qu’un de mes assistants parlementaires travaille au siège parisien. J’ai refusé en indiquant que cela me paraissait d’une part contraire aux règles européennes et d’autre part illégal. Le Modem n’a pas osé insister mais mes collègues ont été contraints de satisfaire cette exigence. Ainsi, durant cinq ans, la secrétaire particulière de François Bayrou a été payée… par l’enveloppe d’assistance parlementaire de Marielle de Sarnez, sur fonds européen», écrit Corinne Lepage. Passé plutôt inaperçu à la sortie du livre en 2014, l’extrait a largement circulé sur les réseaux sociaux pendant la campagne présidentielle. A tel point que Bayrou, Sarnez et Lepage avaient dû réagir.
«Tout faux», avait tweeté François Bayrou le 27 février, interpellé par un internaute. Dans cette seconde affaire, Marielle de Sarnez et le Modem avaient aussi nié les faits reprochés par Corinne Lepage. La personne citée dans le livre aurait en fait occupé deux emplois à mi-temps : l’un comme assistante de Marielle de Sarnez au Parlement européen, l’autre comme secrétaire de François Bayrou payée par le Modem selon la défense du parti. Ces accusations sont restées sans suite pour le moment.
Ayant depuis rejoint Bayrou et En marche, l’ancienne eurodéputée élue sous les couleurs du Modem atténue désormais son propos. Elle précisait ainsi le 9 mai dernier que «c’était dans un ensemble plus large dans lequel je décrivais le système Le Pen», tout en affirmant «En général, quand je dis quelque chose, je le dis parce que c’est la vérité.» Aujourd’hui, elle dit ignorer s’il s’agissait en réalité de deux emplois à mi-temps comme s’en défend le Modem, rapporte l’Obs. Une source au Parlement nous confirme qu’Isabelle Sicart a bien été employée à temps partiel pendant toute la durée de sa fonction d’assistante parlementaire de Marielle de Sarnez. Si sur son mi-temps en tant qu’assistante parlementaire, Isabelle Sicart a bien réalisé des tâches pour son eurodéputée, cela n’aurait donc rien d’illégal. Ce qui serait répréhensible, c’est qu’elle ait travaillé uniquement pour le Modem en étant payée par le Parlement. Ce que nie le parti.
Par ailleurs, cette situation n’a rien d’unique. Le Monde avait passé au crible en 2015 les 242 assistants des 74 eurodéputés français de l’époque. On apprenait alors qu’un grand nombre d’assistants cumulaient des fonctions d’assistants parlementaires avec des fonctions partisanes. Ainsi, deux assistants du Modem (sur 12), sept du PS (sur 43), six du Front de gauche (sur 14) et cinq de l’UMP (sur 65) étaient dans cette situation. Mais au niveau du FN, ces cas prennent une autre dimension : 24 assistants sur 63 exerçaient des responsabilités partisanes. Sans que cela soit forcément illégal : ce qui est reproché au FN c’est que des assistants parlementaires rémunérés sur fonds européens soient incapables de fournir des preuves de leur travail d’assistant.
Des emplois fictifs il y a vingt ans
Enfin, une dernière accusation restée sans suite jusqu’ici, remonte à une vingtaine d’années et concerne cette fois le Parlement français. Dans un post publié sur Médium le 2 avril, le journaliste Nicolas Grégoire affirmait avoir bénéficié d’un emploi fictif à l’UDF (ancêtre du Modem) en 1996 et 1997. Nicolas Grégoire, qui a dénoncé avec des accents parfois complotistes le silence des médias sur son affaire, explique avoir été rémunéré comme assistant parlementaire de deux députés alors qu’il travaillait en réalité pour le siège de l’UDF, comme journaliste pour Démocratie moderne, le magazine du parti dirigé par François Bayrou. «Pendant presque deux ans, j’ai eu deux emplois fictifs. A l’Assemblée nationale, et au Sénat. Je percevais un salaire, des fiches de paie, pour une activité que je n’exerçais pas. Jamais personne ne s’en est ému», affirmait-il. Le Télégramme a mené l’enquête, et confirmé ses allégations. C’est justement à cause de l’extrait du livre de Corinne Lepage remonté à la surface que Nicolas Grégoire aurait décidé de mettre au jour ces faits, a-t-il expliqué à Arrêt sur images. Mais les faits sont prescrits, et l’affaire est vieille de plus de vingt ans